Les Racines du Domaine

Claire Naudin a repris le Domaine Naudin Ferrand en 1994 pour y apposer son empreinte. Résolument adepte de la viticulture raisonnée, de la production intégrée, elle refuse la standardisation et préfère une approche artisanale de la viticulture durable, avec un interventionnisme minimal. Ses vins de tradition bourguignonne, vins d’émotion, mais aussi vins d’avenir, prennent en compte le bilan carbone. Femme vigneronne, mère passionnée, elle veut transmettre son patrimoine pour notre plus grand plaisir. 

L’histoire du Domaine commence en 1500, elle traverse les siècles jusqu’à aujourd’hui. En 1964 Liliane et Henri se marient, trois filles naissent de cette union et les étiquettes des vins portent le nom de Henri Naudin-Ferrand. Problème il n’y aura pas d’homme pour reprendre le domaine…En 1991 alors qu’Henri projette le démantèlement du Domaine, Claire qui termine ses études, revient avec son diplôme d’ingénieur agronome en poche pour reprendre l’activité familiale.

Aujourd’hui et depuis plus de 20 ans, le domaine Naudin est dirigé par une femme et c’est un défi quotidien. 

Vous pouvez découvrir l’intégralité de l’historique

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Henri, mon père,
la transmission

Henri, mon père,
la transmission

Il nous a quitté en 2013, j’aimerais vous dire l’homme qu’il était, avec ses valeurs, ses hésitations, sa persévérance, son humour…
Et vous faire partager ce qu’il m’a transmis…

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Le Domaine vu par
Liliane, ma mère

Le Domaine c’est avant tout une histoire familiale, ma mère a bien voulu raconter son Domaine, les débuts, les premiers clients, la vie de famille, les moments difficiles aussi…

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Notre philosophie

Après avoir fait le tour d’un certain nombre de techniques en œnologie, dont certaines dites d’avant garde (comme la micro oxygénation en 1996 – 1997, l’osmose inverse en 1999)… Après avoir observé, séparé, prélevé, analysé… les différentes parcelles du domaine, pour enfin les connaître un peu – ou du moins commencer – dans leurs spécificités (de micro-climats, de sols, de sous-sols, de plants…), de façon à en ressortir les forces et les faiblesses, le moment est venu de faire un peu le point, de prendre du recul, et de choisir !

La conclusion de tout cela, c’est qu’il faut refuser la fatalité. Un grand vin, d’où qu’il vienne, se construit 365 jours par an, des vignes à la mise en bouteille, grâce au travail persévérant de toute une équipe, motivée par un objectif commun : aller au bout des choses, oser croire au potentiel de ce vin, et oser se donner les moyens de l’exprimer.

C’est sans doute la grande chance de la Bourgogne : le vigneron ici, commence bien souvent par travailler sa vigne lui même (avec parfois ses ouvriers). Les heures de labeur manuel sont aussi des heures de réflexion. Le contact avec la terre et la plante est source d’intuition à qui veut bien se laisser faire pour ressentir cela. Utilisée en vinification, relevée de toutes sortes d’observations (inévitables lorsque l’on travaille la vigne), accompagnée de quelques résultats d’analyses, cette intuition permet au vinificateur-vigneron d’adapter encore mieux les opérations de vinification à chaque millésime, à chaque lot de raisin, donc à chaque matière première.

Le résultat : tirer le meilleur parti du potentiel intrinsèque de chaque lot de raisin, sachant qu’un lot, c’est un ensemble qui nous paraît, plus ou moins objectivement d’ailleurs, homogène. Et ainsi c’est aller au bout de l’expression de nos terroirs, dans leur diversité, leurs richesses. C’est aussi pallier à certaines limites, car tous nos terroirs ne sont pas égaux en qualité, en potentiel.

Et si ce travail est cohérent et approfondi, alors la technologie n’est plus là qu’en dépannage, donc de façon exceptionnelle. Elle ne doit pas forcément être rejetée en bloc. La sagesse c’est aussi de constater, d’accepter la petitesse de certains lots, et de réagir de toutes ses forces dans ce cas là. Tout n’est pas toujours du ressort de la vigne et du climat. Cependant c’est souvent le cas si le vigneron est raisonnable et attentif. 

Concrètement, cela nous amène, au domaine, à prendre des positions susceptibles de choquer certains œnologues, certains clients, certains journalistes. Mais cela assure la cohérence de notre démarche. Et cela évolue au fur et à mesure des questions qui remontent. Prendre le temps de laisser monter ces questions, même lorsqu’elles bouleversent nos certitudes, puis de chercher des réponses, est passionnant et fondamental. Concrètement de quoi s’agît-il ?

Entretien des sols

Nous désherbons de moins en moins, et visons à supprimer à moyen terme tout désherbage. La transition se fait en ce moment avec des herbicides de contact, qui, contrairement aux anti-germinatifs (certainement plus efficaces) ne pénètrent pas, ni dans la plante, ni dans le sol. Nous préservons ainsi mieux la vie animale du sol (faune et micro-faune). Or elle est très importante pour l’équilibre du sol. Elle est le meilleur moyen par exemple de lutter contre l’érosion : les animaux ainsi préservés, maintiennent une bonne aération du sol (avec les galeries qu’ils entretiennent). Elle permet à l’eau de s’infiltrer en cas d’orage, au lieux de raviner, emportant avec elle les limons si caractéristiques de nos terroirs…

En parallèle, le travail du sol reprend tout doucement : il faut casser en douceur le réseau racinaire superficiel pour inciter la vigne à aller chercher sa nourriture en dessous. Ainsi, en cas de forte pluie, la vigne absorbe moins d’eau, les raisins gonflent moins ! Au final, on peut considérer que le terroir s’exprime davantage.

L’enherbement nous permet également de diminuer les phénomènes d’érosion dans les situations de forte pente, et par là de pérenniser nos terroirs. En outre, il permet d’abaisser les rendements et d’améliorer naturellement l’équilibre des raisins (l’acidité notamment, est plus importante).

Lutte raisonnée :

Nous travaillons de cette façon depuis 15 ans. Le principe est simple : nous ne traitons contre les maladies ou les ravageurs que si c’est jugé nécessaire. Chaque intervention est basée sur des observations et/ou des comptages préalables, dans chaque parcelle ou groupe de parcelles. En conséquence toutes les parcelles ne sont pas traitées forcément de la même façon.

Enfin nous fixons un seuil d’acceptabilité de la maladie : nous ne visons pas le zéro maladie, inutile et trop polluant. La sagesse consiste à trouver une limite acceptable, qui ne nuise pas à la qualité finale du raisin.

Bien sûr c’est plus long, plus compliqué, mais tellement plus logique. Et cela contribue à une diminution de la pollution, ce qui est important, et ce, sans la moindre prise de risques, puisque toutes nos parcelles sont observées très précisément.

Réduction de doses

Nos appareils de pulvérisation ont été modifiés en 1995, pour traiter en pressions basses (2 à 3 bars au lieu de 15 à 20), et en bas volumes : moins de « bouillie » à l’hectare : 180 à 220 l au lieu de 450 à 500 l. Nous considérons que la cible est mieux atteinte avec ces nouveaux dispositifs (que ce soit la feuille ou le raisin). En conséquence, nous réduisons les doses de matière active utilisées, sans pour autant prendre le moindre risque ni perdre en efficacité des traitements. Cela présente deux avantages importants

  1. La personne qui traite absorbe moins de produit, car il n’y a plus de nuage de pulvérisation tout autour du tracteur. Or la santé des personnes est une préoccupation importante.
  2. La perte de produit au sol et dans l’atmosphère est moindre, donc nous polluons moins, et encore une fois, nous préservons la flore et la faune du sol.

Production intégrée

Nous utilisons des méthodes dites biologiques (confusion sexuelle, Bacillus Thurengiensis ou « BT »…) et des produits qui, tous, respectent la faune auxiliaire. Certaines parcelles sont traitées uniquement avec des produits labellisés BIO.

Nous avons aussi à cœur de prendre soin des personnes du domaine qui effectuent les traitements ainsi que des personnes qui travaillent dans les vignes et ainsi s’exposent à ces traitements. En cela nous satisfaisons à de nombreux critères de la production intégrée.

Nous ne sommes pas « bio » : nous utilisons des méthodes biologiques, aussi souvent que possible, mais nous ne voulons pas être catalogués bios. En effet, nous voulons absolument rester libres de nos choix. Certaines molécules de synthèse peuvent être très efficaces à très faibles doses et tout en présentant une rémanence faible. Elles peuvent aider, parfois, à sauver une récolte. Nous voulons rester en mesure d’y avoir recours le cas échéant.

Pas de pompages…

La vendange, manuelle ou mécanique, peut être triée (table de tri et tapis d’encuvage). L’équipement de la cuverie a été complètement repensé et modifié en 1999, afin de supprimer les pompages de la vendange.

  • Il est maintenant possible de charger les pressoirs avec du raisin (blanc) entier : le pressurage est meilleur, car le drainage est facilité par la présence des rafles. Cela permet de ne pas monter en pression et donc de ne pas extraire de composés phénoliques désagréables. Bien sûr cela suppose des pressurages longs (2 H 30 à 3 H 30 en fonction des lots ! ).
  • Il est également possible d’encuver du raisin entier en rouge, quand une qualité parfaite le permet : autant d’options qui permettent souplesse et adaptation à la matière première (parcelle et/ou millésime).

Peu de S02…

En 1999 nous faisions une première vinification en rouge, sans adjonction de S02. Actuellement de nombreuses cuvées sont vinifiées ainsi, en vendange entière. Et d’une façon générale, considérant que la qualité des raisins produits s’est améliorée, en lien avec notre façon de travailler la vigne, nous avons diminué les doses de sulfites en rouge comme en blanc. Evidemment cela repose notamment sur un tri draconien (à part les années exceptionnelles comme 2005) : il s’agit de mettre en cuve 100% de raisins sains et mûrs. Les petites imperfections doivent être éliminées au maximum (baies flétries, pourries, ou insuffisamment mûres).

Finalement ce point qui peu apparaître comme un point de détail, est une démarche fondamentale. Et le résultat est également fondamentalement différent, d’un point de vue organoleptique. Tout un ensemble qui nous correspond pleinement…

Pas d’artifices, même légaux

Nous n’utilisons ni levures, ni enzymes, ni tanins. Pour nous, ces artifices légaux ne sont là que pour pallier à une faiblesse de la matière première. Cette faiblesse éventuelle traduit des imperfections à la vigne. Et nous préférons la démarche qui consiste à améliorer le raisin, plutôt qu’à compenser ses déficiences en cuverie.

Mais tout cela suppose de travailler davantage dans les vignes. Il faut donc être vigilant et motiver l’équipe tout au long de l’année, pas seulement pendant le mois des vinifications. C’est une démarche différente, une implication totale et permanente : un défi !

Ce même raisonnement nous a amenés à choisir de ne pas acidifier, même une année comme 2003. Le Pinot Noir est très sensible aux variations du sol et du climat : c’est une de ses particularités, par rapport aux autres cépages rouges. Alors pourquoi vouloir gommer cela ? Au contraire, les années se suivent et ne se ressemblent pas, c’est ce qui fait la Bourgogne. D’autre part, une fois encore, il est beaucoup plus intéressant de jouer sur l’acidité naturelle du raisin, par une meilleure maîtrise de l’enracinement et des rendements. Un raisin présentant un bon équilibre acide a toutes les chances d’avoir beaucoup d’autres qualités (richesse phénolique, complexité aromatique potentielle, gras naturel, …) et ce n’est pas un hasard, tout se tient. Or si l’on peut apporter l’acide tartrique, pour le reste, c’est plus compliqué, et forcément partiel, donc décevant.

Pas d’osmose inverse

Cette technique n’est rien autre qu’une filtration à très forte pression (environ 80 bars…) dans le but d’extraire une certaine proportion de l’eau naturelle du raisin (4 à 10 %). Cela peut diminuer la dilution liée à une pluie juste avant vendange. Après l’avoir essayée, en 1999, sur différentes cuvées dont une avec témoin, nous refusons d’utiliser cette technique, pour les raisons qui suivent :

  • A ce jour, personne ne sait quel effet une pression de 80 bars a sur la simple molécule d’eau… Mais en tous cas les moûts traités se comportent différemment. Nous jouons un peu avec le feu. En outre, le liquide extrait ne contient pas que de l’eau, il suffit de le déguster…
  • La consommation d’énergie est astronomique
  • Les levures naturelles (partie intégrante du terroir dans notre vision des choses) sont détruites, d’ailleurs la technique présente cela comme un grand avantage pour les domaines qui pratiquent le levurage systématique
  • Cette technique encourage à la paresse : pourquoi travailler à produire moins, puisque le jus peut être facilement re-concentré si besoin…

Nous préférons :

  • Contrôler la récolte pour avoir la concentration dans les raisins et respecter l’équilibre naturel entre les différents composés du fruit
  • Laisser pousser l’herbe, sous contrôle, dans les vignes, pour obliger les racines à descendre un peu. Ainsi, il est prouvé qu’une pluie juste avant vendange ne fait pas grossir les baies.

Les vins ne sont plus soutirés après fermentation malo-lactique (depuis 5 ans), sauf cas exceptionnel. Ils sont donc totalement élevés sur lie. Après différents essais, il nous est apparu que nous préservions ainsi toutes les qualités des tanins et du fruit, sans perdre en netteté, du moment qu’un débourbage avant « entonnage » (mise en fûts) est effectué pour garantir la qualité des lies.

Le SO2 est utilisé parcimonieusement pendant l’élevage, afin de ne pas « bloquer » biologiquement le vin. A quoi sert un élevage, si le vin est, trop précocement, séparé de la lie qui est sensée le nourrir, et stabilisé micro-biologiquement par un apport massif de soufre ? Ne sachant pas répondre, nous avons décidé d’essayer de procéder autrement… et cela nous convient jusqu’à nouvel ordre !

Nos vins ne sont plus collés (depuis 15 ans…) : Henri Naudin avait fait le choix d’arrêter les collages car ils dépouillaient trop les vins et les durcissaient souvent.

Ils subissent des filtrations légères (kieselguhr), voire aucune filtration lorsque nous les estimons suffisamment limpides et stables. Encore une fois, pourquoi dépouiller précocement le vin ? Un dépôt dans la bouteille traduit cette vie qui fait le vin. Non seulement il ne nous gêne pas, mais au contraire il nous rassure, dans la mesure où, certains de notre matière première et de l’élevage qui a suivi, nous croyons que ce vin est stable et vivra bien dans sa bouteille, en compagnie de ce « dépôt vivant ».

Les soutirages et assemblages sont faits quasiment tous sans pompes : soit à l’air comprimé, soit par gravité. C’est beaucoup plus long, mais aussi beaucoup plus respectueux du vin. Le vin n’est pas brassé, donc pas trop dégazé et il ne perd pas ses arômes : nous n’aimons pas que la cave sente bon le vin, nous préférons piéger tous les arômes dans la bouteille, pour le bonheur du consommateur !

Une réflexion est menée depuis 15 ans sur l’utilisation du soufre (SO2) en lien avec le dioxyde de carbone (CO2) des vins. D’une façon générale, cela a abouti à des doses de soufre plutôt faibles à la mise en bouteille, et un CO2 parfois élevé. L’analyse sert de repère, mais la décision repose principalement sur la dégustation, qui seule garantit le bon équilibre, l’harmonie du vin. Il semblerait, avec ces quelques années d’expérience, que nos vins résistent mieux à l’oxydation, et au vieillissement, tout en ne présentant pas les effets secondaires négatifs liés au SO2, auquel beaucoup de nos clients sont allergiques.

Nous sommes équipés d’un groupe de mise en bouteille sous vide : la qualité du bouchage est également fondamentale. Une mise sous vide est une garantie, car elle diminue la surpression dans la bouteille, et limite les problèmes de « couleuses ». En parallèle, les lièges utilisés sont choisis pour leurs propriétés physiques (densité et élasticité) et chimiques (pas de lavage au chlore). Nos bouchons, d’origine espagnole, nous coûtent cher. Mais pourquoi économiser à ce stade, et risquer de perdre tous les acquis antérieurs ?

Pour les appellations communales, les crus, et les Hautes-Côtes de garde, nous avons choisi une bouteille (BSN « Domaine ») équipée d’une bague particulière, normalisée sur 50 mm au lieu de 45 mm : ainsi un bouchon long (49 mm au lieu de 45) se comporte bien et améliore les conditions de vieillissement des vins. Bien sûr cette bouteille est un peu plus chère. Mais pourquoi faire des vins sensés vieillir, si l’on ne leur donne pas toutes les chances connues de bien vieillir ?

Finalement les années passent, et les questions sont toujours plus nombreuses que les réponses. Si bien qu’il m’est impossible de savoir comment nous travaillerons, ne serait-ce que l’année prochaine. C’est angoissant par moments, motivant souvent, passionnant tout le temps !

Et quand je pense que je « travaille » les vignes plantées par les arrière grands parents (Aligoté vieilles vignes), quand je pense aussi que les vignes plantées ces années-ci deviendront intéressantes dans… une ou deux générations, j’ai envie de m’asseoir calmement avec un bon verre de vin ! Car finalement, tout cela me dépasse depuis le début, et me dépassera toujours. Je n’y comprends absolument rien et… est-ce si grave ?
Claire Naudin – 15 novembre 2018

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